INTOX. Sarkozy ou l’art de se faire piquer sa politique, et de ne pas vouloir le reconnaître. Jusqu’au déni le plus absurde. Dans une interview aux Echos, ce mercredi, l’ancien chef de l’Etat est interrogé sur les mesures du gouvernement en faveur des entreprises — réunies sous l’appellation «pacte de responsabilité» — englobant à la fois le CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) et le «pacte» à proprement parler. «Qui peut dire aujourd’hui que [le pacte] produit ses effets ? attaque Sarkozy. La question centrale, c’est de savoir de combien les entreprises ont réellement bénéficié. Personne ne le sait. Tout simplement parce que le pacte de responsabilité est loin d’avoir compensé les nouveaux prélèvements qui sont venus frapper les entreprises depuis le début du quinquennat.»

DESINTOX. Qui peut dire que le pacte produit ses effets ? Personne, en effet. Le bilan, tant en termes de création d’emplois que de relance des investissements, se fait furieusement attendre, au point de relancer les critiques à son encontre. En revanche, à «la question centrale», pour Sarkozy, qui est «de savoir de combien les entreprises ont bénéficié», la réponse est extrêmement claire. Pour cette seule année 2015, le bénéfice du CICE devrait se monter à 17,5 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter 6 milliards liés au pacte (baisse de cotisations et de divers impôts). Soit 24 milliards d’euros en tout. L’année prochaine, la montée en puissance de ces différents dispositifs atteindra 33 milliards, avant 41 milliards en 2017.

Ces sommes sont-elles «loin d’avoir compensé les nouveaux prélèvements qui sont venus frapper les entreprises depuis le début du quinquennat», comme l’affirme Sarkozy ? Bien sûr que si. Dès cette année, le bénéfice net des entreprises, entre ce qu’elles ont subi comme hausses depuis 2012 — 18 milliards — et ce qu’elles ont connu comme baisses — 24 milliards — est de 6 milliards. L’année prochaine, l’enveloppe de 33 milliards devrait même effacer à la fois les hausses votées sous Hollande — 18 milliards — mais aussi celles adoptées sous Sarkozy —16 milliards —, soit 34 milliards en tout. Quant au rythme annuel de réduction des prélèvements en 2017 — 41 milliards —, il permettra aux entreprises, non seulement de voir disparaître toutes les hausses des quinquennats Sarkozy et Hollande, mais de bénéficier, en plus, d’un allègement bonus de 7 milliards.

Une réalité difficile à admettre pour Sarkozy. Et pour cause : lui-même avait proposé cette politique à la toute fin de son mandat, en faisant voter le principe de la TVA sociale, dispositif consistant à financer une baisse des prélèvements pour les entreprises. Mais l’enveloppe, elle, ne se montait qu’à 13 milliards d’euros. Tout juste arrivé au pouvoir, Hollande annulait la mesure. Pour la remplacer, quelques mois plus tard, par une enveloppe presque trois fois plus importante.

Luc Peillon @Libération